Lundi 11 mars 2019

Cher Journal,

Me voilà de retour de voyage de l'autre côté de la mare, pour ainsi dire. Ce qui devait être un voyage de quelque jours pour le travail s'est fini en aventure invraisemblable à travers ce curieux pays que sont les États-Unis d'Amérique, avec son lot de fusillades, d'avions en péril et de charmantes dames, comme cela n'arrive qu'au cinéma.

Trajet aller

Rien à signaler, tout va bien. Le vol Air France 366 du 4 mars se déroule sans encombres. À noter qu'un vent à décorner les bœufs soufflait sur toute l'Ile-de-France, et que l'avion était déjà secoué dans tous les sens, alors que la jetée était toujours amarrée. Avec le vent et les nuages à traverser, le décollage a été à vomir. La figure ci-dessous est construire via les relevés télémétriques fournis par flightaware.com et aura vocation à disparaitre rapidement du web, d'où cette copie locale :

Figure : vol AF 636 du 4 mars Capture d'écran du vol AF636 tel que représenté sur flightaware.com.
Le paramètres sont nominaux, la trajectoire est stable, les vitesses et
altitudes sont constantes tout au long du trajet, excepté au décollage et à
l'atterrissage bien entendu.

Une agréable surprise notable a été le survol du Groenland par temps clair. La découpe des côtes de cette île est pour le moins étrange. En effet, le bord de mer est très accidenté, contrairement à l'intérieur du pays, constitué en majorité d'un croûte de glace homogène. La baie d'Hudson, au nord du Canada, est recouverte d'une couche de glace, et les dizaines de milliers de kilomètres carrés de nature sauvage, hostile à tout être humain, s'étendent de même, sous une épaisse couche de neige. Les première traces de civilisation ne deviennent visibles que dans la partie sud du pays, et rapidement, la densité des villes augmente. Une route plus large que les autres, coupe de manière bien droite le pays. La Highway One: Trans-Canada, étiquetée 17 sur la carte probablement par erreur, est, vue du ciel, la construction humaine la plus impressionnant du coin. Vu du ciel, le paysage est découpés en carrés qui s'étendent à perte de vue, et à dix kilomètres d'altitude, l'horizon est vraiment loin. Les nuages recouvrent à nouveau la terre au fur et à mesure que le sud des États-Unis se rapproche.

L'atterrissage se déroule comme le décollage, avec l'avion secoué en tout sens lors de la traversée des nuages. C'est très inconfortables, les haut-le-cœur se succèdent, mais l'avion finit par rejoindre sa jetée sans problème. L'épreuve, le rite, de passage que se doit d'effectuer tout étranger entrant sur le sol Américain est un temps infini d'attente aux taxes et douanes, pour remplir des formulaires, répondre à des questions, justifier sa présence sur le territoire. Ma petite personne n'y coupe pas. Du personnel d'une compagnie concurrente discute bruyamment ; ça me fait penser que ne pas sortir mes affaires de travail a été une bonne initiative.

Houston, Texas

Me voici aux États-Unis, et tout particulièrement au Texas, au pays des cowboys et autres curiosités autochtones. Faute de téléphone opérationnel, la solution la plus fiable se présentant a moi est de piocher dans la réserve de taxis présente à la sortie de l'aéroport pour rejoindre mon hôtel. Une fois l'aéroport quitté, la notion du temps devient un peu floue. Le temps de se propager dans le circuit routier jusqu'à l'hôtel semble durer, certains bouchons se sont formés, les sorties de bureau sans doute. Le réseau routier semble presque constitué à cent pour cent d'autoroutes, à aucun moment les routes ne se réduisent à deux voies. La sensation de dépaysement n'est pas très présente, la faute sans doute à l'hégémonie de la culture locale sur le reste de la planète, mais des différences restent notables. Finalement, l'hôtel est en vue.

Le temps est particulièrement froid pour la saison et la région, dix degrés Celsius, avec des nuages. Étant correctement habillé pour un hiver français, ce n'est qu'en entrant dans les bâtiment que ce froid devient manifeste. Les constructions Houstillonnes (à défaut de savoir comment appeler les habitants d'Houston) sont conçues pour être bien fraîches l'été, comme l'hiver, à cause du climat local. Dix degrés Celsius dans un bar ou un restaurant, ce n'est donc pas beaucoup. Modulo pas mal de bricolage avec le téléphone et réseau sans fil de l'hôtel, signaler ma présence auprès de mes collègues déjà présents devient du domaine du possible, même si c'est resté assez compliqué. Direction le restaurant à viande de l'hôtel, mes chefs sont déjà sur place pour affaire, mon collègue Canadien arrive dernier, ayant atterri en toute fin d'après-midi. Avec le décalage horaire, minuit largement passé sonne dans mon horloge biologique, mon nez manque à plusieurs reprises de finir dans mon assiette de chicken enchiladas. Cette histoire donnera le ton sur ma qualité de sommeil des jours à venir.

Peu me sied de m'étendre sur la nature de mon travail sur place, disons simplement que la possibilité de discuter avec mes collègues américain de manière informelle a enfin été possible. Certains problèmes qui semblaient vagues et lointains sont d'un coup devenus très concrets et précis, et travailler à leur résolution a enfin pu se faire dans des conditions raisonnables. Les chefs sont restés entre eux pour régler leurs problèmes de chefs, et de notre côté les problèmes concrets, palpables, ont pu être discutés et réglés avec les équipes locales d'opérations techniques.

En dehors du bâtiment, les discussions informelles vont bon train, allant du concours de boustifaille, catégorie « écrevisses », confère la figure ci-dessous, aux discussions plus sérieuses tout en restant informelles, notamment avec mon prédécesseur ou avec mon nouveau chef.

Figure : un en-cas de deux livres, photographié par D. Styrke
La photographie représente une auge contenant des déchets d'écrevisses
dépiautées par un maniaque de la bestiolle.

Les spécialités gastronomiques texanes ont en commun la profusion de viande, et plus généralement la profusion tout court. Ayant un passif de gros mangeur, tenter de finir mon assiette s'est révélé, à de nombreuses reprises, un échec, y compris pour finir une salade. L'horloge biologique en vrac, à ce titre, n'a pas beaucoup aidé. De même, mes verres ne se vidaient en général qu'à moitié, faute de capacité gastrique, c'est dire. Suivant les goûts de mon collègue canadien, atterrissage au Bistrot Provence. Ce qui devait être un bête bistro français à la base, devient aux États-Unis le comble du chic, avec notamment des sommeliers parlant français, un temps limité à cinq minutes d'usage des toilette, une facturation supplémentaires de $5 en cas d'utilisation ostensible du téléphone mobile, et ainsi de suite. Mais ce n'est qu'en y ayant plus accès que tout un chacun peut redécouvrir à quel point la gastronomie française est délicieuse : escargots, lapin à la diable, pain frais, huile d'olive et thym.

Curieusement, mais ce pourrait être une spécificité texane, la qualité de la conduite, et des véhicules en général, est très inégale. Certains roulent dans véhicules très classes flambants neufs, d'autres dans des poubelles qui n'auraient guère de chance de passer le contrôle techniques dans nos contrées françaises. Un de mes collègues s'est procuré un ancien intercepteur de la police locale ; les nausées m'ont pris d'assaut, encore plus que dans l'avion.

Épilogue ?

La soirée est bien avancée et la fatigue me gagne. À titre d'entrée en matière, mon trajet retour a été découpé subrepticement en voyage avec escales, dont les relevés télémétriques correspondant sont :

Enfin ça aurait pu mal finir, une pensée donc pour les victimes du crash de dimanche...

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